Projet de Manifeste programme du (nouveau)Parti communiste italien
Chapitre III
Le mouvement communiste en Italie
3.1. Bilan de l'expérience de la lutte des classes en Italie
3. 1. 1. Les origines du mouvement communiste
Le mode de production capitaliste commença à s'affirmer en Italie à partir de la petite production marchande qui vivait dans l'environnement et aux marges du monde féodal. Déjà au XIe siècle, Amalfi et d'autres communes de la péninsule avaient développé, à un niveau relativement élevé, une économie capitaliste dont la forme principale du capital était le capital commercial. Le développement du mode de production capitaliste se poursuivit en différents endroits de la péninsule au cours des siècles suivants. Sur le terrain politique, ce développement du capitalisme est à l'origine des guerres qui firent rage en Italie du XIe au XVIe siècle ; sur le plan culturel, il est à la base de la remarquable culture de l'époque et de l'influence qu'eut l'Italie, pour la seconde fois de son histoire, en Europe et dans le monde. La raison première des luttes politiques et culturelles de cette période (du XIe au XVIe siècle) est la lutte entre le mode de production capitaliste naissant et le monde féodal, lequel, avec à sa tête la Papauté de Rome, opposait une résistance d'autant plus acharnée qu'il trouvait aide et soutien dans le reste de l'Europe qui était plus arriéré. C'est seulement à la lumière de cette lutte que les divers épisodes de la vie politique et culturelle de l'époque cessent de n'être qu'une succession et une combinaison d'évènements isolés et arbitraires et que l'on aperçoit le lien dialectique qui les unit.(1)
La lutte entre le mode de production capitaliste naissant et le vieux monde féodal connut un tournant au XVIe siècle lorsque le développement des rapports de production bourgeois fut arrêté par les forces féodales guidées par la Papauté (Contre‑Réforme). A la suite, pendant plusieurs siècles, le développement des forces productives fut lent, avec des périodes de stagnation et de recul et, dans certains cas, de type colonial. A partir de ce moment‑là, l'Italie subit aussi, et pendant longtemps, la domination étrangère, ouverte ou dissimulée, conséquence directe de l'affrontement non résolu entre une bourgeoisie qui n'avait pas la force de balayer le monde féodal et ce même monde féodal qui ne pouvait retourner au passé. C'est à partir de ce moment que commença la décadence de notre pays qui n'a jamais plus recouvré le rôle qu'il eut par deux fois dans l'histoire européenne et mondiale. Notre pays constitue donc un grand exemple historique qui montre que quand un pays a développé un mode de production supérieur, si la lutte entre les classes qui sont porteuses du vieux et du nouveau mode de production ne se conclut pas par une transformation révolutionnaire de la société, cette lutte se termine par leur ruine mutuelle.
L'unité et l'indépendance de notre pays n'ont été conquises qu'au cours du siècle dernier, entre 1848 et 1870, après plus de trois siècles de blocage du développement bourgeois, à la suite de la Révolution européenne de 1848 qui donna le départ à la marche vers l'unité de l'Italie et de l'Allemagne, les pays qui étaient le siège des deux institutions les plus typiques du monde féodal en Europe : la Papauté et le Saint Empire Romain Germanique. Pendant ce temps, le mode de production capitaliste s'était pleinement développé en Angleterre, en France et ailleurs ; il avait créé l'activité industrielle en tant que secteur économique autonome par rapport à l'agriculture et en avait fait le centre de la production et de la reproduction des conditions générales d'existence ; il avait également conquis dans une large mesure l'agriculture et commençait déjà à passer au stade impérialiste. Il était désormais trop tard pour que la révolution démocratico‑bourgeoise en Italie puisse se développer comme mobilisation de masse des paysans en vue de détruire les rapports féodaux. Mais il était encore trop tôt pour que la classe ouvrière puisse assumer le rôle dirigeant du mouvement de libération et d'unification nationales, dans une révolution de nouvelle démocratie. L'antagonisme de classe entre prolétariat et bourgeoisie était déjà trop avancé pour que la bourgeoisie osât mener jusqu'à son terme la révolution anti‑féodale, en mobilisant les paysans pour détruire les rapports féodaux et éliminer les formes de propriété féodales. Mais d'un autre côté, la classe ouvrière n'était pas encore suffisamment développée pour assumer le rôle dirigeant de la révolution. La classe ouvrière fut la force principale de la révolution du 18 mars 1848 à Milan, elle fit les barricades et paya de sa personne, mais ce fut la bourgeoisie qui recueillit les fruits de cette révolution. La bourgeoisie anglaise avait mis à mort son roi, Charles Ier, en 1649. La bourgeoisie française avait fait subir le même sort à son roi, Louis XVI, en 1793. La bourgeoisie italienne elle au contraire s'accorda avec les rois et se contenta d'un compromis avec les forces féodales qui subsistaient (la Papauté, l'église catholique, la monarchie, les grands propriétaires fonciers et les autres institutions survivantes du monde féodal, sectes, ordres, congrégations et sociétés secrètes) et de leur transformation par leur intégration progressive dans le monde capitaliste.
Cette révolution bourgeoise tronquée est la cause de la naissance de la “ question méridionale ” et des caractéristiques spécifiques de la bourgeoisie italienne. Les vieilles formes féodales, avec leurs particularités locales, ont été maintenues et absorbées dans la nouvelle société bourgeoise. Ceci a conservé aussi la diversité sociale des différentes régions, diversité qui a survécu malgré la grande migration qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. C'est là la raison pour laquelle les oppositions entre classes et entre secteurs productifs deviennent facilement des oppositions territoriales et mettent en péril l'unité de l'Etat (mouvements fédéralistes et sécessionnistes). La question de la grande industrie regarde principalement les régions de Lombardie, Piémont et Ligurie ; la question de la petite et moyenne entreprise principalement celles de Vénétie et d'Emilie-Romagne ; la question de la petite production avec sa multitude de petits patrons, de travailleurs indépendants et dépendants, de semi‑prolétariat et de la fonction publique concerne surtout les régions méridionales ; etc.(2)
Après l'unification du pays, la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme s'est déroulée dans le cadre d'un pays impérialiste. Les étapes qui résument cette lutte ont été la fondation du Parti socialiste italien en 1891 et la fondation du premier Parti communiste italien en 1921.
La lutte des classes a été très aiguë dans notre pays, avec une grande participation des masses populaires. Lors de la première crise générale de surproduction de capital (1910-1945) et de la longue situation révolutionnaire qui s'ensuivit, il y eut d'abord un mouvement révolutionnaire diffus dans les masses, pendant et après la Première Guerre mondiale (les deux années rouges, 1919-1920). Mais celui‑ci manquait d'une direction, le PSI ne cherchant même pas à l'assumer. La bourgeoisie impérialiste en vint à bout en recourant elle-même à la mobilisation réactionnaire des masses et en créant, la première au monde, un régime fasciste.
Le fascisme, régime terroriste de la bourgeoisie impérialiste, a favorisé la mise en œuvre des tendances négatives de la bourgeoisie italienne, en niant ses conquêtes positives.
1. Le fascisme a donné (avec le Concordat et les Traités du Latran signés le 11 février 1929) une forme achevée au compromis avec la Papauté, en faisant du Vatican le groupe impérialiste le plus puissant d'Italie, un groupe qui n'est probablement inférieur à aucun des nombreux groupes politico-religieux financiers qui se sont constitués dans le monde dans la phase impérialiste du capitalisme. Il commença son existence, muni de la riche expérience en organisation et des relations diplomatiques héritées du vieil Etat pontifical, des donations financières et immobilières de l'Etat italien, des prérogatives que lui conférait l'indépendance de son Etat et des immunités, pour ses activités en Italie ; il était riche également de ses relations privilégiées avec une grande partie de la population italienne, solidement encadrée dans les structures des curies, des paroisses, des associations, des écoles, des hôpitaux et des œuvres pieuses, et de ses relations et ramifications internationales. En combinant la force financière et l'influence morale, le Vatican a depuis lors tenu solidement en main la bourgeoisie italienne, en la soutenant dans sa lutte contre la classe ouvrière, le prolétariat et les masses populaires. Depuis lors, le Vatican est devenu le centre d'un rassemblement de forces économiques, financières, politiques, culturelles et morales qui en ont fait le rempart le plus solide de toutes les forces réactionnaires et le chef de file de la réaction, de l'arriération, de l'exploitation, de la misère et de l'illégalité au pouvoir dans le pays ; un centre qui gouverne le pays sans avoir la responsabilité, l'impopularité et les autres inconvénients d'un groupe d'oppresseurs et d'exploiteurs qui gouverne directement. C'est pour cela que ceux qui veulent ouvrir une voie de progrès au pays doivent en Italie éliminer le Vatican.
2. Le fascisme a détruit l'œuvre accomplie par la bourgeoisie au cours du siècle précédent, pour la construction de son Etat et la conquête d'un rôle indépendant parmi les Etats bourgeois. Il a d'abord mené l'Italie à l'assujettissement envers l'Allemagne puis, au moment de sa chute, envers les Etats-Unis. Depuis lors, la bourgeoisie impérialiste italienne fait des affaires, en louvoyant dans les espaces libres laissés par les affrontements entre les groupes impérialistes des Etats-Unis et ceux des autres grandes puissances. En Italie, la liberté d'action des groupes impérialistes étrangers et de leurs réseaux respectifs de renseignement et d'action se combinent avec l'action autonome des groupes impérialistes italiens et avec celle des simples lambeaux de leur Etat. Vatican, Etats-Unis, groupes impérialistes italiens sont, dans l'ordre, les forces qui dirigent l'Etat italien.
En outre le fascisme a introduit une grande partie des innovations structurelles sur lesquelles a vécu également le régime démocrate-chrétien : banque centrale, industrie d'Etat, grands travaux publics, structures pour la recherche, consortiums agraires, organismes de prévoyance, etc. C'est-à-dire les innovations et les instruments qui concourent à la création d'un système de capitalisme monopoliste d'Etat.
3.1.2. Le premier parti communiste italien
Le Parti communiste italien, créé par l'Internationale Communiste, a eu en Antonio Gramsci (1881‑1937) son premier et unique grand dirigeant qui a essayé d'en faire le parti révolutionnaire de la classe ouvrière. Dans la lutte contre le régime fasciste, que le PCI dirigea dans le cadre de l'Internationale Communiste, le parti permit aux masses populaires et à la classe ouvrière d'atteindre à un niveau de puissance qu'elles n'avaient jamais eu auparavant, niveau dont le point culminant fut la guerre partisane (Résistance) 1943‑1945.(3) Toutefois le PCI ne réussit pas à développer réellement une ligne spécifique pour la révolution socialiste dans notre pays et échoua donc dans la tentative d'amener la classe ouvrière au pouvoir. Pourquoi ?
A partir de sa fondation, le parti recueillit en son sein la partie la plus avancée de la classe ouvrière italienne. Il ne réussit cependant pas sa bolchévisation, en tant que transformation d'un parti, qui réunissait déjà la meilleure partie de la classe ouvrière en un parti révolutionnaire. En quoi consiste le caractère révolutionnaire du parti communiste ? Avant tout, dans la théorie révolutionnaire qui le guide, c'est-à-dire dans la conception matérialiste dialectique du monde et dans la méthode matérialiste dialectique de connaissance et d'action, de ses membres et de ses organisations ; en second lieu, dans son statut d'état‑major de la classe ouvrière qui organise ses activités, définit ses organisations et leur fonctionnement, la sélection, la formation et les relations de ses membres et de ses dirigeants, en fonction de l'objectif de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière.
L'objectif de bolchéviser le parti avait été clairement posé par l'Internationale Communiste dès les années 20 ; le PCI lui‑même avait déclaré que se bolchéviser était une tâche essentielle du parti.(4)
Les Thèses de Lyon du Parti communiste italien avaient clairement indiqué “ qu'il n'existe pas en Italie de possibilité de révolution qui ne soit la révolution socialiste ”.(5) Mais dans la pratique le parti ne réussit pas à combiner la lutte pour la révolution socialiste et celle contre le fascisme et tomba dans la déviation de droite qui consistait à se poser en tant qu'aile gauche de la coalition de toutes les forces unies en vue d'abattre le fascisme.(6)
Les limites du Parti communiste italien dans sa compréhension des lois de la révolution socialiste en Italie se manifestèrent à plusieurs occasions : lorsqu'il fut surpris par le virage répressif du régime fasciste en 1926 (emprisonnement de la direction du parti) ; lorsqu'il fut surpris par les évènements des 25 juillet et 8 septembre 1943 ; (6b) dans le fait de ne s'être pas réellement préparé à la guerre qui pourtant était la suite logique de la mobilisation réactionnaire des masses et de la crise générale ; dans le fait qu'il conduisit la guerre partisane plus comme une campagne militaire que comme instrument pour la création d'un nouveau pouvoir populaire.
A cause des limites et des erreurs de son parti, la classe ouvrière ne conquit pas le pouvoir, quoique la bourgeoisie se fût mise avec le fascisme dans une situation très difficile qui lui ôta, depuis lors, toute velléité d'indépendance politique. Le pouvoir resta dans les mains de la bourgeoisie impérialiste qui créa son régime politique s'appuyant sur le Vatican et l'église catholique, le tout sous la supervision des Etats-Unis : le régime de la Démocratie Chrétienne qui a gouverné le pays depuis ce moment‑là et qui le gouverne encore aujourd'hui.
Ce régime se consolida grâce à la longue période (1945‑1975) de reprise et de développement de l'accumulation de capital et d'expansion de l'appareil productif qu'eut le capitalisme dans le monde. Les masses populaires et la classe ouvrière réussirent au cours de ces années à arracher, avec des luttes purement revendicatives, de grandes améliorations sur le terrain économique, politique et culturel. Le PCI devint l'interprète organique de cette phase de rapport de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays avec la bourgeoisie impérialiste.
De ce fait, au cours de ces années, le PCI fut à la fois le parti de la classe ouvrière italienne, dans le sens où pratiquement tous les ouvriers actifs dans l'organisation de leur propre classe faisaient partie du PCI, et l'un des partis du courant révisionniste moderne, dirigé par le PCUS. La période 1945‑1975 fut, dans notre pays aussi, la période du “ capitalisme à visage humain ” qui était d'autant plus développé qu'en Italie le mouvement communiste avait été fort : ce qui confirme que les réformes sont le sous‑produit, le legs des révolutions manquées.
Au VIIIe congrès (décembre 1956), la droite du PCI, sous le couvert du succès remporté par le groupe révisionniste de Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste de l'Union Soviétique (février 1956), liquida ce qui restait des bases du programme communiste. Jusque-là, la déviation de droite, selon laquelle le parti communiste était l'aile gauche d'un rassemblement progressiste dirigé par la bourgeoisie qui luttait pour moderniser le pays, éliminer les vestiges féodaux et étendre aux masses les droits démocratiques, s'était présentée à l'intérieur du parti comme une ligne tactique, provisoire, à adopter en attendant de meilleurs jours. A partir de ce moment‑là, elle fut intronisée comme ligne stratégique, en parfaite concordance avec la conception révisionniste moderne selon laquelle le degré de puissance atteint par la classe ouvrière rendait désormais inutile la révolution socialiste, et possible un passage graduel et pacifique au socialisme. La voie pacifique, démocratique, parlementaire au socialisme, en s'appuyant sur des réformes de structure et sur l'élargissement continuel des droits démocratiques des masses, fut proclamée voie italienne vers le socialisme et même proposée au plan international comme modèle (eurocommunisme).
3.1.3. Les premières tentatives pour reconstruire le parti communiste
Dans notre pays, la lutte contre le révisionnisme moderne reprit et la lutte contre la déviation de droite qui avait accompagné toute la vie du parti continua. Après le VIIIe congrès, cette lutte spontanée, instinctive et généralisée reprit de la vigueur. Elle connut un saut de qualité dans la deuxième moitié des années 60, dans le cadre de la lutte lancée au niveau international, par le Parti du travail d'Albanie et surtout par le Parti communiste chinois.(7) C'est alors que naquit le Mouvement marxiste‑léniniste, puis, en 1966, le Parti communiste d'Italie (Nouvelle Unité) qui fut dissous au début des années 90 pour confluer dans Rifondazione comunista. La raison de la faiblesse du Parti communiste d'Italie et de tout le mouvement marxiste‑léniniste fut la même qui avait conduit la gauche du PCI à la défaite face à la droite : l'insuffisante autonomie idéologique et théorique par rapport à la bourgeoisie et l'absence de stratégie pour la conquête du pouvoir qui en découlait. Le mouvement marxiste‑léniniste fut, d'une certaine manière, constamment emprunt de dogmatisme : la preuve en est qu'il ne reconnut jamais qu'il existe une troisième étape supérieure de la pensée communiste, le maoïsme, et qu'il ne comprit jamais les erreurs et les limites de la gauche du PCI. D'autre part, ce même mouvement marxiste‑léniniste se confondit avec les différentes déviations de “ gauche ” (bordiguistes, anarcho‑syndicalistes, etc.) qui étaient une vieille maladie du mouvement communiste italien, auxquelles le PCI n'avait jamais réellement réglé leur compte.
A la fin des années 60 et au début des années 70, en Italie comme dans d'autres pays, il y eut une grande période de luttes (68 et l'Automne chaud). La lutte pour les réformes à l'intérieur du capitalisme atteignit en même temps son point le plus élevé et ses limites : pour aller plus loin, elle devait se transformer en lutte pour la conquête du pouvoir et l'instauration du socialisme. La lutte contre le révisionnisme moderne connut un grand développement sur le terrain politique dans les années 70, lorsque les luttes revendicatives de la classe ouvrière et des masses populaires générèrent un mouvement de lutte armée, personnifié principalement par les Brigades rouges. Il recueillait et donnait une expression politique à la nécessité de conquérir le pouvoir et de transformer la société, sentiment que les luttes revendicatives elles-mêmes insufflaient dans la classe ouvrière et les masses populaires. D'où le soutien, l'adhésion et la faveur des masses populaires envers les Brigades rouges, comme en témoignent leur enracinement dans des entreprises importantes (FIAT, Alfa Roméo, etc.), mais plus encore les mesures que la bourgeoisie dut adopter pour contrecarrer leur influence et les isoler des masses.
Avec leur initiative pratique, les Brigades rouges rompirent avec la conception de la forme de la révolution socialiste qui avait prédominé dans les partis communistes des pays impérialistes, au cours de la longue situation révolutionnaire 1910‑1945. A la différence du Parti communiste d'Italie (Nouvelle Unité), les Brigades rouges commencèrent à tirer les leçons des erreurs et des limites qui avaient empêché les partis communistes des pays impérialistes de porter victorieusement à son terme la situation révolutionnaire générée par la première crise générale du capitalisme. D'où, la richesse des enseignements que l'on peut tirer de leur activité politique.
Elles ne réussirent toutefois pas à se libérer de l'influence de la culture bourgeoise de gauche (en particulier, dans la version que l'Ecole de Francfort en avait donné) que le révisionnisme moderne avait fait considérer comme culture courante et à peu près incontestée. En conséquence :
— elles ne réussirent pas à corriger les erreurs d'analyse de la période, erreurs qui trouvaient leur origine dans cette culture. En ce qui concerne les rapports entre les masses populaires et la bourgeoisie impérialiste, elles prirent la phase culminante de la lutte des masses pour arracher des conquêtes dans le cadre de la société bourgeoise pour le début de la révolution. En ce qui concerne les rapports entre groupes et Etats impérialistes, elles prirent l'atténuation des contradictions, conséquence de la période 1945‑1975 de reprise et de développement du capitalisme, pour la disparition définitive de leur antagonisme.
— elles ne réussirent pas à s'approprier correctement la méthode de la ligne de masse, pour rester à l'avant‑garde du mouvement des masses dans la nouvelle phase que celui‑ci abordait à la suite du début de la nouvelle crise générale, vers la moitié des années 70.
A la suite de ces erreurs, leur lien avec les masses cessa de se fortifier, commença même à s'affaiblir et les Brigades rouges se répandirent en imprécations contre l'arriération des masses, favorisant ainsi l'attaque de la bourgeoisie dont la tactique consistait principalement à exploiter leurs erreurs et leurs limites pour les isoler des masses. C'est à cause de ces avancées non réalisées, de cette autocritique non effectuée que leur lien avec les masses populaires, au lieu de se développer, s'affaiblit et les Brigades rouges furent écrasées par l'offensive de la bourgeoisie, à laquelle les révisionnistes modernes participèrent comme à une action vitale pour eux.(8)
Le Parti communiste d'Italie et les Brigades rouges constituent les deux plus importantes tentatives de reconstruction du parti communiste. Les deux ont tenté de donner une réponse à cette nécessité de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays. Mais, ni l'un ni l'autre n'ont atteint leur objectif. Pour recueillir ce qu'ils ont produit de positif et tirer les enseignements de leur expérience, il est indispensable de comprendre la raison de leur échec. L'histoire du mouvement communiste est riche de victoires et de défaites. Les unes et les autres nous montrent que la contradiction entre théorie et pratique se manifeste dans les contradictions entre théorie révolutionnaire et construction de l'organisation révolutionnaire, entre parti révolutionnaire et direction du mouvement des masses et dans d'autres encore. Quel est le juste rapport entre les deux termes de chacune de ces contradictions ? L'histoire du mouvement communiste nous enseigne :
1. l'unité des deux termes : l'un ne peut avancer dans son développement au‑delà d'un certain point que si l'autre se développe, lui aussi, dans la mesure appropriée ;
2. que dans la lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir, en général la priorité revient au premier terme bien qu'en absolu, c'est-à-dire en considérant les choses de manière plus large, la priorité revient au second. En fait en termes généraux la théorie du mouvement communiste est le reflet dans notre intellect, l'élaboration de l'expérience pratique de la lutte de la classe ouvrière et des masses populaires. Marx et Engels ont produit une théorie révolutionnaire et, grâce à celle‑ci, le mouvement communiste a créé les Internationales et les partis, socialistes d'abord, communistes ensuite. Lénine a résumé la lutte qu'il conduisit au cours des premières années du XXe siècle, en disant : “ Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire ”. En 1940, Mao Tsé-toung a fait le bilan de la révolution chinoise en disant : “ Pendant presque vingt ans, nous avons fait la révolution sans avoir une conception claire et juste de la révolution, nous agissions de manière aveugle : c'est de là que sont venues nos défaites ”.
Dans chaque organisme et dans chaque parti communiste, la gauche reflète la position de la classe ouvrière et la droite celle de la bourgeoisie. La bourgeoisie est au pouvoir depuis des siècles et a beaucoup hérité des précédentes classes exploiteuses. La classe ouvrière ne lutte pour le pouvoir que depuis cent cinquante ans et ne l'a exercé que pour de brèves périodes et seulement dans des pays où le capitalisme était relativement peu développé. Donc, de nos jours, la bourgeoisie a encore une expérience de pouvoir incomparablement plus vaste que la classe ouvrière. Sur le terrain de la superstructure, la bourgeoisie a un système complet de conceptions, de lignes et de méthodes ; sa conception du monde s'est affermie en habitudes et en préjugés, elle a acquis la force, l'évidence et la facilité du lieu commun. Il s'ensuit qu'au sein des partis communistes la droite a la vie plus facile que la gauche. La droite s'appuie sur ce qui existe déjà, c'est évident, c'est facile, c'est habituel, “ on a toujours fait ainsi ”, “ tout le monde pense de la sorte ”. La gauche doit élaborer, découvrir, s'avancer dans l'inconnu, risquer de commettre des erreurs et corriger la direction jusqu'à trouver la voie qui mène à la victoire. La droite n'a pas besoin d'une théorie révolutionnaire ; la gauche ne peut pas progresser sans une théorie révolutionnaire et doit la créer. La droite peut se prévaloir des erreurs de la gauche et de la confusion de la contradiction entre théorie et pratique, avec les contradictions entre théorie juste et théorie fausse, entre neuf et vieux. La droite fait obstacle à la création d'une théorie révolutionnaire, la gauche la met en avant et sans une théorie révolutionnaire elle ne peut diriger. Les erreurs du parti, dans la compréhension de la situation, aident la droite, sont nuisibles à la gauche.
La gauche du PCI ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste dans notre pays, au cours de la première crise générale du capitalisme, bien que le parti se proposât de guider la révolution socialiste.(9) C'est pour cela que la droite réussit à prévaloir dans le parti. Mao nous a appris que si un parti n'applique pas une ligne juste, il en applique une erronée, que s'il n'applique pas une politique consciemment, il en applique une aveuglément.
Le Parti communiste d'Italie et les Brigades rouges ne comprirent pas que pour aller de l'avant, il fallait faire un bilan de l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et de la construction du socialisme qui avait atteint son degré le plus haut avec le maoïsme ; ils ne comprirent pas que le révisionnisme moderne n'était pas seulement le reniement de la révolution comme moyen pour instaurer le socialisme, mais il concernait toute la conception du monde et la méthode de direction et de travail des communistes ; enfin, ils ne comprirent pas que le capitalisme, dans notre pays également, arrivait au point le plus avancé d'une période de développement et que la seconde crise générale du capitalisme s'annonçait à peine. Pour ces raisons, leurs tentatives pour reconstruire le parti communiste échouèrent.
3.1.4. La situation actuelle et la putréfaction du régime démocrate-chrétien
Ce fut seulement au cours des années 70 que le système capitaliste mondial passa de la période de reprise et de développement de l'accumulation du capital, qui débuta après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la seconde crise générale de surproduction absolue de capital. Dans notre pays également, cela empêcha la classe ouvrière et les masses populaires de continuer à arracher, grâce à des luttes revendicatives, des conquêtes progressives durables et à grande échelle. L'accord patronat-syndicats pour le point unique de contingence (1975), qui augmenta les salaires les plus faibles et diminua les différences salariales, fut la dernière conquête de la série de celles qui avaient ponctué le capitalisme à visage humain. La classe dominante commença à effacer graduellement, une à une, les conquêtes qui avaient été arrachées auparavant. Cette évolution s'est poursuivie jusqu'en 1992. Depuis lors, avec la crise du régime démocrate-chrétien et le début de la phase de sa putréfaction, ce processus d'élimination s'est considérablement accéléré.
En conséquence, commença également la crise irréversible des révisionnistes modernes : la nouvelle phase du mouvement économique de la société ne permettait plus de combiner sujétion politique à la bourgeoisie impérialiste et améliorations économiques pour les masses. Le PCI fut dissous en 1991. Contrairement à ce que proclament les nostalgiques de la pratique révisionniste qui habillait la collaboration avec la bourgeoisie de principes sacrés et d'une phraséologie communiste (de Cossutta à Rossanda, d'Ingrao à Bertinotti), Occhetto, qui a dissous le PCI en 1991, fut l'exécuteur testamentaire de la faillite du projet de conciliation entre les classes et de subordination de la classe ouvrière à la bourgeoisie impérialiste, mené d'abord par Togliatti et ensuite par Longo et Berlinguer.
Au cours de ses cinquante années de vie, le régime démocrate-chrétien a développé une particularité de la société italienne. Celle‑ci consiste en ce fait. En Italie, les caractéristiques modernes et d'avant‑garde de la bourgeoisie impérialiste se sont vigoureusement développées : il s'agit des activités (financières et politiques) qui se déroulent en dehors et contre la loi en vigueur, de la violence d'Etat et privée, des complots et des intrigues devenus des instruments courants de l'activité économique, commerciale et financière des groupes impérialistes. Ceci est arrivé dans chaque pays impérialiste (et de là, ces activités sont exportées dans les pays dépendants). La particularité italienne est que chez nous ces activités modernes et d'avant-garde se sont combinées avec les vieilles sociétés secrètes, avec les vieilles associations criminelles, avec les sectes, avec les églises, avec les ordres religieux et de chevalerie, en particulier avec les organisations de l'église catholique (congrégations ecclésiastiques et laïques, couvents, diocèses, paroisses, œuvres pieuses, confréries et la plus importante la Papauté, transformée en Vatican par le Concordat concédé par le fascisme en 1929 et renouvelé par le gouvernement Craxi en 1984). La synthèse de cette particularité est l'existence d'un gouvernement de fait, le Vatican, qui ne coïncide pas avec le gouvernement officiel.
Tous ces héritages de la vieille société féodale avaient survécu jusqu'au début du siècle dernier. La bourgeoisie qui imposa son pouvoir au cours des guerres napoléoniennes, puis du Risorgimento, les conserva et les associa au nouveau régime. Tant que la nouvelle classe conserva une certaine force (c'est-à-dire tant que la classe ouvrière resta relativement faible), ils eurent un rôle politique limité. A partir du début du siècle, ils devinrent de plus en plus actifs, prirent de nouvelles formes et se renforcèrent (régime de Giolitti, Pacte Gentiloni) au fur et à mesure que la classe ouvrière devenait plus forte. La bourgeoisie impérialiste les fit collaborer avec les autorités officielles et avec l'administration publique, afin de maintenir l'ordre et de gérer la société. Ils se combinèrent donc avec les associations privées et secrètes de la bourgeoisie même.(9b)
Le fascisme fut la dernière tentative de la bourgeoisie d'absorber dans l'administration publique et de gérer dans le cadre d'un régime public, nécessairement terroriste et hors légalité, les différentes formes et les divers aspects de la répression (de la bienfaisance à l'intimidation et à l'élimination des communistes et d'autres opposants). Le fascisme se conclut catastrophiquement pour la bourgeoisie qui l'avait installé, en faisant faillite de la manière la plus éclatante qui soit, avec pour résultats une classe ouvrière forte, son Etat et ses forces armées dissous, le pays occupé. Elle ne se sauva que grâce aux limites du PCI, à l'occupation américaine et au Vatican.
Le caractère moderne du régime démocrate-chrétien consista en ceci : la bourgeoisie prit acte qu'il est impossible de mener la répression de la classe ouvrière et des masses populaires dans le cadre de l'administration publique et d'une activité codifiée en lois et développa sur une grande échelle les formes les plus diverses de répression illégale : privées et criminelles, visibles et occultes. Le régime démocrate-chrétien combina magistralement, avec l'appui déterminant des révisionnistes modernes, la création de syndicats jaunes avec le squadrisme fasciste et avec l'intimidation et le guet‑apens mafieux. En cela, elle eut comme professeur la bourgeoisie impérialiste des Etats-Unis. Les vieilles associations féodales (si l'on n'en cite qu'une, la Mafia sicilienne) se développèrent vigoureusement et prirent des formes très modernes, devinrent les habits actuels, d'avant‑garde de la bourgeoisie impérialiste, dans sa marche triomphale vers le gouffre. Liggio alla à l'école d'Agnelli, le dépassa et créa la nouvelle multinationale financière, mondiale et globale. Après le fascisme, l'Italie fit cadeau au monde entier d'un autre nom : Mafia.(9c)
Le régime démocrate-chrétien a montré sur une grande échelle quelle est la capacité de destruction physique et morale atteinte par le capitalisme, sur les hommes et sur l'environnement, sur le patrimoine artistique et sur l'héritage historique. La période de grand développement économique mondial qui a coïncidé avec la première phase du régime (1945‑1975) a pleinement démontré ce caractère. La ruine matérielle et morale provoquée par cinquante ans de régime démocrate-chrétien n'a pas de précédent dans l'histoire moderne italienne.
Le régime démocrate-chrétien est entré en crise quand, à cause de la crise générale, il devint impossible pour la bourgeoisie impérialiste de continuer à répondre aux aspirations des masses, quand celles‑ci s'exprimaient avec force, par la politique du clientélisme et par l'utilisation de l'administration publique et du secteur économique d'Etat et public en général. Il est entré en crise quand l'IRI ne fut plus en mesure, à cause de la crise générale, d'absorber et de maintenir en vie les entreprises privées en faillite et ferma elle aussi les siennes.(9d) A cette cause s'ajouta un autre élément : à cause de la crise générale, les oppositions entre les groupes de la bourgeoisie impérialiste, italiens et étrangers, s'intensifièrent lorsque les groupes impérialistes allemands lancèrent à nouveau, sur une grande échelle, leur offensive pour se créer un “ espace vital ” en Europe, pour s'en servir dans la compétition internationale. L'Union européenne est en effet la tentative des groupes impérialistes allemands de coaliser sous leur direction tous les capitalistes européens et leurs pays respectifs, en vue d'une nouvelle répartition du monde, contre la domination des groupes impérialistes des Etats-Unis et pour mieux assurer le maintien de la domination de la bourgeoisie impérialiste sur les masses populaires européennes, malgré le développement de la crise générale.
Le régime démocrate-chrétien est en crise, mais la bourgeoisie impérialiste n'a pas de régime de rechange. D'où la lente et douloureuse putréfaction du régime démocrate-chrétien qui, comme un cadavre, empeste le pays depuis 1992.
Le régime démocrate-chrétien avait jusqu'en 1992 proclamé qu'il était en mesure de résoudre le problème du travail et, en général, de la vie des masses. Dans cette optique, il avait accepté “ le défi du communisme ”, du moins celui mis en avant par les révisionnistes modernes. Le renoncement pratiqué et déclaré, par l'administration publique, à partir de 1992, à assurer un travail à tous et à résoudre les problèmes de subsistance des masses populaires, est la déclaration de la faillite de la bourgeoisie impérialiste face à l'impasse dans laquelle elle a conduit le pays : la nouvelle crise générale. C'est l'équivalent de la fuite du roi en 1943 face à l'impasse dans laquelle il s'était fourvoyé avec le fascisme.
L'abdication déclarée de l'administration publique de la bourgeoisie impérialiste, de son Etat, “ à créer du travail ” et en général à résoudre les problèmes de la vie des masses, à peine masquée par la réintroduction de la trop célèbre “ liste des pauvres ” à qui elle promet quelque aumône, est d'autant plus grave
— parce qu'elle se produit dans un contexte économique où il est impossible que l'écrasante majorité de la population puisse résoudre individuellement ces problèmes. Le caractère collectif atteint par les forces productives ôte, aujourd'hui encore plus qu'il y a cinquante ans, la possibilité aux simples individus de résoudre sur un plan individuel les problèmes qu'ils rencontrent. La bourgeoisie qui rejette, en tant qu'assistanat, la charge de s'occuper avec les pouvoirs publics de la solution des problèmes de la vie des masses, les condamne à mort en les désignant comme étant de trop, parce que l'initiative privée des capitalistes n'y pourvoit pas à cause de la crise générale ;
— parce que cette abdication survient alors que, dans toute l'Europe, la bourgeoisie impérialiste adopte la même attitude, contrainte qu'elle est par la concurrence avec les groupes impérialistes des Etats-Unis qui, dans la lutte engendrée par la crise générale, en plus de bouleverser la société américaine elle‑même, jettent tout le poids de l'hégémonie mondiale dont ils ont hérité. Ils jettent tout le poids de leur rôle de fournisseurs de monnaie fiduciaire pour le monde entier, tout le poids du réseau de leurs intérêts qui, comme une pieuvre, écrase et vide presque tous les pays, bien que, dans ce dessein, ils doivent ressortir toujours plus souvent la politique de la canonnière qui marqua la fin de l'empire britannique.
3.1.5. La reconstruction du parti communiste
La classe ouvrière avec son nouveau parti communiste relève le défi : les masses populaires peuvent trouver leur voie et résoudre tous les problèmes de leur vie et progresser bien au-delà ; la classe ouvrière peut les diriger dans cette entreprise, de manière à ce que, par leur expérience pratique, elles apprennent à s'organiser et à résoudre leurs problèmes immédiats et à prendre en main leur vie. L'obstacle principal à ce que les masses puissent résoudre leurs problèmes est justement la direction exercée par la bourgeoisie impérialiste. Éliminer celle‑ci et instaurer la direction de la classe ouvrière est la tâche historique qui se pose au parti communiste, pour les prochaines années.
La crise politique et culturelle de la bourgeoisie impérialiste pousse les masses à la mobilisation. La défense des conquêtes arrachées au cours des trente années de capitalisme à visage humain, et la révolte contre le régime actuel jusqu'à son élimination, sont les deux composantes (défense et attaque) de la résistance des masses à l'avancée de la crise.
L'administration publique de la bourgeoisie impérialiste se retire, renonce à la tâche de créer du travail et en général de pourvoir à la solution des problèmes de la vie des masses populaires. Contre ce repli de la bourgeoisie impérialiste dicté par la crise générale (les déséquilibres financiers entre les parties qui la composent, la concurrence et la lutte au couteau entre groupes impérialistes, etc.), le parti communiste doit guider la mobilisation des masses dans tous les domaines, à tous niveaux et par tous les moyens.
Le parti doit diriger et susciter la mobilisation des masses pour défendre toutes les conquêtes que la bourgeoisie impérialiste tente d'éliminer ; il doit appuyer tous les groupes (grands ou petits) de travailleurs qui défendent une conquête (quelle qu'elle soit) contre la bourgeoisie impérialiste qui veut l'éliminer : les droits de grève, le poste de travail, la sécurité sur le lieu de travail, les retraites, la sauvegarde de l'environnement, le logement, l'instruction, la santé, les services. Dans les luttes de défense, les masses apprennent par expérience directe que chaque sacrifice que la bourgeoisie réussit à imposer en appelle d'autres ; que pour vaincre il faut élargir la lutte et la transformer en un problème d'ordre public, en un problème politique ; que les difficultés que l'on rencontre dans sa propre entreprise, dans sa propre institution, ne peuvent être résolues qu'au niveau politique ; que la propriété et l'initiative privées sur lesquelles se fonde le capitalisme sont en contradiction avec la réalité et jettent les masses dans des difficultés inextricables et les soumettent à des souffrances croissantes.
Le parti doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses en vue de pourvoir directement à la solution des problèmes de leur vie, à se rassembler et à construire leurs propres institutions et à les défendre, à développer la production en vue de satisfaire leurs besoins, à imprimer également un virage révolutionnaire aux initiatives appelées, de nos jours, du “ tiers secteur ”,(9e) au “ no profit ”, au bénévolat, aux Centres sociaux, etc., en contrant les tendances bourgeoises à en faire des ghettos, à en faire des entreprises pour exploiter le travail précaire, sous‑payé et au noir, à en faire un instrument pour la corruption et la formation de nouveaux dirigeants bourgeois, à en faire une soupape de défoulement du désespoir.
Le parti doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses pour prendre et se faire donner par la bourgeoisie impérialiste les ressources nécessaires à la solution des problèmes qu'elles rencontrent dans leur vie (argent, bâtiments, moyens de production, moyens de transport, etc.), ressources que la bourgeoisie impérialiste gâche sur une grande échelle.
Le parti doit tirer et généraliser les enseignements des luttes de défense, apprendre et généraliser les lois selon lesquelles elles se déroulent. Une victoire sur une grande échelle et durable est impossible, vu la crise, mais dans chaque cas particulier il est possible de gagner, d'empêcher, de retarder ou réduire l'attaque de la bourgeoisie impérialiste. Dans chaque lutte, le parti doit favoriser l'organisation des masses, reconnaître la gauche, la renforcer et l'organiser afin qu'elle apprenne à conquérir le centre et à isoler la droite.
Tout cela est étroitement lié à la lutte pour le pouvoir. Seule la lutte pour le pouvoir peut conférer continuité, apporter l'expansion et assurer le succès à cette lutte des masses populaires pour la défense de ses conquêtes et pour la survie, pour mettre fin à la mise sur la touche, par la bourgeoisie impérialiste, d'une partie de plus en plus importante des masses, pour développer leurs forces et satisfaire leurs besoins.
Dans chaque lutte de défense, le parti doit rassembler les forces en vue de l'attaque. Si l'on ne développe pas l'attaque, il est impossible de développer la défense sur une grande échelle et augmenter les possibilités de victoire. Lorsque d'attaque est absente, la défense, elle aussi, est freinée.
Rassembler les forces pour l'attaque signifie comprendre et faire apparaître les raisons des victoires comme des défaites, généraliser les méthodes qui mènent à la victoire et combattre celles qui mènent aux défaites, élever par tous les moyens la combativité des masses et leur confiance en elles‑mêmes, guider la partie la plus combative en vue de réaliser une plus grande mobilisation des autres, recruter pour les organisations de masse et pour le parti, renforcer l'organisation du parti, favoriser le rassemblement et l'organisation des masses, les réunir en un front dirigé par le parti et employer les forces disponibles aux tâches tactiques de l'attaque, pour acquérir de l'expérience et développer une ligne victorieuse de rassemblement et d'accumulation des forces révolutionnaires.
Tous ceux qui sont disposés à lutter contre le régime actuel doivent trouver dans le parti communiste la direction la plus sûre et la plus avisée, quelles que soient les raisons déclarées de leur lutte. La classe ouvrière doit devenir le centre de la mobilisation des masses, le guide de leur résistance aux effets de la crise générale du capitalisme.(10)
Le nouveau parti communiste reprend dans ses mains la thèse énoncée par le premier parti communiste lors de son congrès de Lyon (janvier 1926) : l'Italie est un pays impérialiste et il n'existe aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste. Il n'y a pas d'autre voie pour avancer pour la classe ouvrière, pour le prolétariat, pour les masses populaires que la révolution socialiste.
Les révisionnistes modernes, de Togliatti à Berlinguer, avaient déclaré que la révolution socialiste n'était plus nécessaire à la classe ouvrière et aux masses populaires de notre pays, que les masses populaires de notre pays pouvaient résoudre leurs principaux problèmes en arrachant réforme sur réforme jusqu'à réussir à créer une société socialiste, que le système capitaliste n'aboutissait plus à des crises et à des guerres. La réalité a démontré que leurs thèses ne tiennent pas debout, qu'elles n'ont servi qu'à désagréger et corrompre le vieux parti et à l'amener à la dissolution.
Les conquêtes que les masses populaires ont arrachées avec leur sueur et leur sang au cours de la période 1945‑1975 et que les révisionnistes avaient promis d'accroître jusqu'à parvenir à créer une société socialiste sont éliminées sous nos yeux ; les crimes de la bourgeoisie impérialiste se multiplient contre les masses populaires de notre pays, contre les travailleurs immigrés, contre les pays semi‑coloniaux et contre les pays socialistes : de la Somalie à l'Albanie. Seule l'élimination de la bourgeoisie impérialiste permettra aux masses populaires d'employer leur énergie à satisfaire leurs besoins et à résoudre leurs problèmes. Seule la classe ouvrière peut éliminer la bourgeoisie impérialiste du pouvoir et prendre la direction des masses populaires et de la société tout entière et les conduire pour la réalisation de leurs objectifs.
La ligne générale du nouveau parti communiste italien est donc :
S'unir étroitement et sans réserves à la résistance que les masses opposent et opposeront à l'avancée de la crise générale du capitalisme, comprendre et appliquer les lois selon lesquelles cette résistance se développe, l'appuyer, la promouvoir, l'organiser et faire prévaloir en son sein la direction de la classe ouvrière, jusqu'à la transformer en lutte pour le socialisme, en adoptant, comme méthode principale de travail et de direction, la ligne de masse.
Le devoir principal et de longue haleine du nouveau parti est de trouver, dans l'analyse concrète des rapports économiques, politiques et culturels de notre pays et de ses liens internationaux, la voie pour le rassemblement et l'accumulation des forces révolutionnaires.
La pratique de la ligne générale du parti, l'analyse de l'expérience faite en partant de la conception matérialiste dialectique du monde et par la méthode du matérialisme dialectique (marxisme ‑ léninisme ‑ maoïsme), permettront au parti de découvrir la voie pour être en mesure de rassembler et accumuler les forces révolutionnaires, jusqu'à ce que le rapport de force entre bourgeoisie impérialiste et classe ouvrière soit inversé et que la classe ouvrière puisse prendre le pouvoir (voie de la révolution socialiste dans notre pays).
3.2. Analyse de classe de la société italienne
Sur le terrain économique, la crise générale en cours divise et divisera toujours plus la population en deux camps nettement distincts et opposés :
— d'une part, ceux qui n'arrivent à vivre que s'ils arrivent à travailler : ceux‑là constituent le camp des masses populaires ;
— de l'autre, le camp de la bourgeoisie impérialiste, constitué par ceux qui jouissent de tous les avantages sans travailler ou qui, s'ils travaillent, ne le font pas pour vivre mais pour augmenter leur richesse.(11)
Le travail mené par le parti pour rassembler et accumuler les forces révolutionnaires a pour objectif de faire coïncider le plus possible l'opposition sur le terrain politique avec l'opposition créée par la crise générale sur le terrain économique. Plus l'affrontement politique s'écarte de l'affrontement économique, plus “ la politique est sale ”, parce que la tromperie, la corruption, l'intimidation, le chantage, l'abrutissement, la fatigue, l'ignorance, la routine, l'inertie, l'isolement, le clientélisme, la dépendance des gens et le préjudice ont un rôle plus important dans la vie politique. Quand l'affrontement politique recouvre pratiquement l'affrontement économique, la lutte politique est le reflet de la lutte entre intérêts vraiment opposés que le déroulement de la crise générale rend antagonistes et c'est la fin de “ la désaffection des masses pour la politique ” ; celles‑ci jettent alors d'autant plus généreusement leur énergie dans la lutte politique.(12)
La classe ouvrière offre à tous ceux qui appartiennent au camp des masses populaires une solution de vie et de travail, l'unique pour certains et la meilleure pour les autres, adaptée aux conditions concrètes de la société moderne, correspondant aux possibilités créées par les forces productives du moment, lorsqu'elles sont employées au bien‑être matériel et spirituel de tous et dans le cadre d'un système social où le “ libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ”.
Quelle est la consistance des deux camps et quels sont les rapports à l'intérieur de chacun d'eux ?
3.2.1. Bourgeoisie impérialiste
Le capital financier unifie d'une certaine manière tous les riches, même si cela ne va pas jusqu'au point que, pour les objectifs de la lutte, le parti ne doive pas distinguer entre eux des strates et des catégories : entrepreneurs, dirigeants d'entreprise, financiers, rentiers (gens qui vivent de rentes), grands fonctionnaires, etc.
Les hauts fonctionnaires et dirigeants de l'administration publique ou d'entreprise privée, les grands professionnels, les artistes qui ont du succès, les administrateurs de patrimoines ou d'organismes d'une certaine importance, les prélats de haut rang, les hommes politiques célèbres, s'ils ne possèdent pas déjà un patrimoine personnel par héritage ou par leur niveau social, se le construisent en peu de temps et entrent dans la catégorie des rentiers ou dans celle des capitalistes et des financiers de divers secteurs de l'économie capitaliste (sociétés financières, banques, assurances, industrie, commerce, agriculture, services, etc.).(13)
Sans commettre de grandes erreurs nous pouvons dire qu'appartient à ce camp tout individu propriétaire d'un patrimoine productif qui n'est pas inférieur à 1 million €, sur lequel donc il perçoit ou peut percevoir 50.000 € de revenu annuel net ou bien qui exerce des tâches et des activités qui lui procurent des revenus annuels nets qui ne sont pas inférieurs à 50.000 € ou qui arrive à cette somme en combinant revenu du travail et revenu du capital.
Notre pays est un pays impérialiste et, qui plus est, centre du groupe impérialiste du Vatican et de l'église catholique avec ses congrégations et ses ordres. Un peu plus de 10 % de la population appartient à ce camp, en comptant également les familles des titulaires du patrimoine ou de l'activité, donc environ 6 millions de personnes.
Cela, pour des raisons objectives, c'est le camp des ennemis de la révolution socialiste. Bien entendu il peut y avoir des cas d'individus qui “ trahissent ” leur propre classe et qui passent du côté des masses populaires.
3.2.2. Masses populaires
Dans les pays impérialistes, tout patrimoine, toute entreprise et toute activité peuvent être transformées en patrimoine financier qui produit une rente. Donc les masses populaires comprennent l’ensemble de la population sauf la bourgeoise impérialiste. Les masses populaires son cette partie de la population qui doit travailler pour vivre, qui donc vit, au moins en partie, grâce à son propre travail et ne peut vivre seulement de l'exploitation du travail des autres. Les masses populaires sont le camp le plus vaste sur lequel la classe ouvrière peut aspirer à étendre sa direction, au fur et à mesure du déroulement de la crise générale, bien que ce camp comprenne des classes qui sont actuellement ennemies de la classe ouvrière.
En comptant également les retraités, les invalides et les autres membres des familles, globalement, en Italie, les masses populaires comprennent 51 millions de personnes.(14)
3.2.2.1. Prolétariat
Travailleurs dont le revenu vient, au moins pour la partie principale, de la vente de leur force de travail. En Italie, ils sont environ 15 millions. Avec le reste de leurs familles et les retraités, cela fait 36 millions.
1. Classe ouvrière
Les prolétaires embauchés par les capitalistes pour valoriser leur capital en produisant des marchandises (biens ou services).
Il faut que celui qui les embauche soit un capitaliste (de l'industrie, de l'agriculture, des services, de la banque, des finances, etc.) et qu'il le fasse non pas pour qu'ils prêtent leurs services à des institutions ou à des organismes “ sans but lucratif ”, mais pour qu'ils travaillent dans une entreprise dont le but principal est la valorisation du capital.
Parmi les ouvriers, il existe des divisions objectives politiquement importantes, comme travailleur sans qualification et travailleur qualifié, ouvrier et employé, la possession de revenus autres que ceux du travail, la dimension de l'entreprise, le secteur auquel appartient l'entreprise, ouvriers des villes et ouvriers des zones rurales, sexe, nationalité, etc.
Ne sont pas des ouvriers, ces employés qui travaillent dans des entreprises capitalistes, dont le travail est, au moins pour une partie importante, un travail de direction, d'organisation, de préparation et de contrôle du travail d'autrui, pour le compte du capitaliste (pour donner un indice sommaire et approximatif mais simple, nous pouvons considérer qu'appartiennent à cette catégorie tous les subordonnés qui reçoivent des salaires ou des appointements annuels nets supérieurs à 25.000 €).
Les ouvriers, ainsi répertoriés, en Italie sont environ 7 millions (dont presque un million travaillent dans des grandes entreprises, de plus de 500 personnes). En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 17 millions.
Cela, c'est la classe ouvrière qui dirigera la révolution socialiste. Le parti communiste est son parti.
2. Autres classes prolétaires
Les membres des classes indiquées ci‑dessous sont les alliés les plus proches et les plus solidaires de la classe ouvrière. Au cours de leur vie, beaucoup de travailleurs passent de l'une de ces classes à la classe ouvrière et vice versa. Cela renforce les liens de ces classes avec la classe ouvrière (et apporte dans la classe ouvrière les qualités et les défauts de ces classes).
En Italie, ils sont environ 8 millions. En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 19 millions. Ils se divisent dans les trois grandes classes suivantes :
— les salariés (on en exclut les dirigeants) de l'administration publique centrale et locale et des organismes qui dépendent de l'Etat ;
— les travailleurs employés dans des entreprises non capitalistes (entreprises familiales, d'artisanat et d'autres que les propriétaires créent et gèrent non pour valoriser un capital, mais pour en obtenir un revenu) ;
— les travailleurs qui sont attachés aux services personnels (serveurs, chauffeurs, jardiniers, etc.).
3.2.2.2. Classes populaires non prolétaires
La crise générale pose et posera toujours plus à ces classes la question suivante : accepter la direction de la classe ouvrière ou rejoindre la mobilisation réactionnaire ? Ce sont des classes plutôt diverses entre elles et hétérogènes à l'intérieur d'elles‑mêmes, ayant des liens avec le prolétariat et avec la bourgeoisie impérialiste. Quelle attitude pratique auront‑elles dans le futur affrontement ? Cela sera décidé principalement par la lutte politique entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste. Ce sont des classes qui tendent à suivre le plus fort. Ce qui est sûr, dès maintenant, c'est qu'elles ne pourront pas continuer à vivre dans le futur comme par le passé.
En Italie, elles représentent environ 6 millions de personnes. En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 15 millions. Elles comprennent les sept classes suivantes :
— les travailleurs indépendants qui n'utilisent pas, habituellement, le travail d'autrui ;
— les propriétaires d'entreprise individuelle ou familiale dont le revenu provient en grande partie de leur propre travail et seulement pour une faible partie de l'exploitation du travail d'autrui ;
— les petits professionnels, les membres de coopératives de production et d'entreprises proches ;
— les travailleurs dépendants qui dans les entreprises font un travail de cadres de niveau inférieur et qui donc participent, en partie, aux tâches du capitaliste (indice approximatif : revenu annuel net compris entre 25.000 et 50.000 €) ;
— les épargnants et les petits propriétaires (avec des revenus, autres que ceux du travail, inférieurs à 25.000 € nets par an) ;
— les personnes qui, entre revenus du travail et revenus du capital, encaissent entre 25.000 et 50.000 € nets par an ;
— les personnes qui “ arrivent à joindre les deux bouts en quelque sorte ” (sous‑prolétaires, illégaux, prostituées, etc.).
3.2.3. Conclusions de l'analyse de classe
Cette analyse de classe est approximative, non seulement dans les chiffres (les statistiques de l'Etat ne permettent pas de faire beaucoup plus), mais également pour ce qui concerne les catégories. Le travail d'enquête du parti permettra de vérifier, d'affiner, de corriger cette analyse.
Parmi ses critères de travail, le parti compte également celui qui consiste à définir, constamment et à chaque fois, de la meilleure façon possible, la classe d'origine de chacun de ses membres et la classe à laquelle appartient chaque membre d'une organisation de masse, chaque collaborateur, les groupes dans lesquels il effectue son travail. Cette pratique aidera à la fois à mieux réaliser le travail spécifique, à la fois à compléter et à améliorer l'analyse de classe, sur laquelle se base tout le travail du parti et à mieux comprendre le lien entre la condition objective de classe et l'organisation politique et les lois selon lesquelles la première se transforme en la seconde.
NOTES
1. “ L'histoire de toute société jusqu'à nos jours, est l'histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot, oppresseurs et opprimés se sont trouvés en constante opposition ; ils ont mené une lutte sans répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui chaque fois finissait soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en lutte ”.
K. Marx‑F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), chap. I, dans Œuvres complètes, vol. 6.
2. “ Les rapports entre industrie et agriculture ... ont en Italie, une base territoriale. Au Nord ce sont la production et la population industrielles qui prévalent, au Sud et dans les îles, ce sont la production et les populations agricoles. En conséquence, tous les contrastes, inhérents à la structure sociale du pays, renferment en eux un élément qui touche à l'unité de l'Etat et la met en péril ”.
Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 8.
3. CARC, Le niveau le plus élevé jamais atteint dans notre pays par la classe ouvrière dans sa lutte pour le pouvoir (1995) ; édition en français (1998).
4. “ La transformation des partis communistes, au sein desquels se retrouve l'avant‑garde de la classe ouvrière, en partis bolcheviques, doit être considérée comme la tâche fondamentale de l'Internationale Communiste ”.
Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 1.
5. “ Le capitalisme est l'élément prédominant dans la société italienne et la principale force qui en détermine le développement. Cette donnée fondamentale implique qu'il n'existe en Italie aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste ”.
Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 4.
6. “ Bien que le parti prenne naissance d'une lutte contre les dégénérescences de droite et centristes dans le mouvement ouvrier, le danger de déviations de droite est présent au sein du Parti communiste d'Italie. ...Le danger de la naissance d'une tendance de droite est lié à la situation générale du pays. La pression que le fascisme exerce tend à créer l'opinion que, étant donné que le prolétariat ne peut pas renverser rapidement le régime, la meilleure tactique serait celle qui, si elle ne conduit pas à un vrai bloc bourgeoisie‑prolétariat pour l'élimination constitutionnelle du fascisme, débouche quand même sur la passivité de l'avant‑garde révolutionnaire, sur une non-intervention du parti communiste dans la lutte politique immédiate, dans le but de permettre à la bourgeoisie de se servir du prolétariat comme masse de manœuvre électorale contre le fascisme. Ce programme prévoit que le parti communiste doit être “ l'aile gauche ” d'une opposition constituée par toutes les forces qui opèrent en vue d'abattre le régime fasciste. Cette tendance est l'expression d'un profond pessimisme envers les capacités révolutionnaires des travailleurs ”.
Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 26.
6b. En Novembre 1926 avec un coup de main le gouvernement fasciste et la monarchie ont dissous et mis hors la loi toutes les organisations politiques mal vues par le régime fasciste et ils ont fait arrêter tous les dirigeants du parti communiste sur lesquels ils ont pu mettre la main. Parmi les arrêtés, il y avait trois des cinq membres de l'Office Politique, dix des vingt et un membres du Comité Central présents en Italie et douze des quinze députés du parti au Parlement. Parmi eux, ils ont arrêté Antonio Gramsci qui, bien que secrétaire national du parti, était député et suivait avec assiduité les travaux parlementaires.
A l'été 1943, le régime fasciste était désormais à l'agonie et la guerre était perdue. La bourgeoisie italienne décida de sauver tout ce qui était possible en abandonnant Mussolini et le parti fasciste. Le 25 juillet, le roi démissionna le chef de gouvernement et fit arrêter Benito Mussolini, il confia la formation d'un nouveau gouvernement au général Pietro Badoglio.
Le gouvernement Badoglio conclut en secret (8 septembre 1943) un armistice avec les Anglo-Américains et s'enfuit de Rome avec le roi en abandonnant, sans laisser d'ordres précis, les forces armées et l'administration publique, il se réfugia en Italie du Sud déjà occupée par les Anglo-Américains. Les troupes nazies occupèrent le reste d'Italie et les fascistes constituèrent un Etat à eux (la République de Salo). Dans l'Italie occupée par les nazis, à partir de ce moment se développa la Résistance contre les fascistes et les nazis.
7. “ Bien qu'à notre avis la ligne actuelle du Parti communiste italien sur la question de la révolution socialiste soit erronée, nous n'avons jamais essayé de nous immiscer, car naturellement il s'agit d'un problème sur lequel seuls les camarades italiens doivent décider. Mais à présent le camarade Togliatti proclame que cette théorie des “ réformes de structure ” est une “ ligne commune à tout le mouvement communiste international ” et déclare unilatéralement que la transition pacifique est “ devenue un principe de la stratégie mondiale du mouvement ouvrier et du mouvement communiste ”.
Cette question concerne non seulement la théorie marxiste‑léniniste fondamentale de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat, mais également le problème essentiel de l'émancipation du prolétariat et du peuple dans tous les pays capitalistes. Alors, en tant que membres du mouvement communiste international et en tant que marxistes‑léninistes, nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre opinion à ce sujet ”.
Les divergences entre le camarade Togliatti et nous (1962), dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 19.
A nouveau sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous (1963), dans Œuvres de Mao Tsé-toung, vol. 19.
8. CARC, F. Engels / 10, 100, 1000 CARC pour la reconstruction du parti communiste (1994).
9. “ Le capitalisme est l'élément prédominant dans la société italienne et la principale force qui en détermine le développement. Cette donnée fondamentale implique qu'il n'existe en Italie aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste ”.
Thèses de Lyon (1926), chap. IV, thèse 4.
9b. Giovanni Giolitti (1842-1928) domina la vie politique italienne de 1892 à 1922. Il essaya de donner au gouvernement un grand consensus électoral en sollicitant l'appui des socialistes réformistes et des cléricaux. Il acheva sa carrière en favorisant la montée du fascisme.
G. Giolitti en 1913 conclut un accord avec le Vatican, qui était représenté par le comte Vincenzo Ottorino Gentiloni (1865-1916), président de l'Union électorale catholique : en échange de divers privilèges, le Vatican garantit l'appui électoral des catholiques aux candidats du gouvernement aux élections en 1913 (Pacte Gentiloni).
9c. Luciano Liggio fut le chef de la Mafia sicilienne dans les années 60, la période où elle se transforma d'organisation criminelle limitée à la Sicile occidentale en une holding financière, d'abord nationale puis internationale. La famille Agnelli est depuis le début du XXe siècle la plus puissante famille italienne d'industriels et financiers, propriétaire du groupe FIAT.
9d. IRI, Institut pour la Reconstruction Industrielle. Institution d'Etat fondée par le régime fasciste en 1933 pour financer des entreprises industrielles en faillite. Le régime démocrate-chrétien l'a reçu en héritage et l'a beaucoup développé. Dans les années 60 l'IRI devint le plus grand monopole financier italien. Il fut dissous dans les années 90 à travers la privatisation des sociétés qui faisaient partie du groupe.
9e. Le “ tiers secteur ” comprend les activités économiques qui ne sont pas gérées ni par l'administration publique ni par des entreprises privées, mais elles sont gérées par des associations sans but lucratif.
10. “ La révolution en Europe ne peut pas être autre chose que l'explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement — sans cette participation, la lutte de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible — et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant‑garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes) et réaliser d'autres mesures dictatoriales, dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne “ s'épurera ” pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites‑bourgeoises ”.
V.I. Lénine, Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes (1916), dans Œuvres, vol. 22.
11. Références pour l'analyse de classe de la société italienne dans la revue Rapporti Sociali :
n° 3 (1989), L'analyse des classes qui composent la société bourgeoise ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 5/6 (1992).
n° 5/6 (1990), Pour une enquête collective sur les modifications dans le processus de production et de reproduction des conditions matérielles de l'existence ; édition en français : dans Rapports Sociaux n° 9 (1993).
n° 12/13 (1992), Le camp de la révolution socialiste : classe ouvrière, prolétariat, masses populaires.
n° 14/15 (1994), Pour l'analyse de classe.
n° 20 (1998), La composition de classe de la société italienne.
12. “ Le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ”. Cela signifie que l'organisation de la société est telle que chaque individu, en développant librement ses capacités, contribue à ce que tous les autres développent eux aussi leurs capacités. Le communisme est un système social pour lequel le libre développement d'un individu détermine également celui des autres et le particulier est libre dans la mesure où tous le sont. Quelques exemples : un individu respire un air plus pur, dans la mesure où l'air que tous respirent est plus pur ; dans une société où un individu produit pour l'échange avec les autres, le particulier ne peut faire l'échange que si les autres le font ; dans une société où les biens de consommation sont distribués également entre tous, le particulier n'augmente la quantité de biens de consommation dont il dispose, que dans la mesure où la quantité dont dispose chaque membre de la société, augmente.
Dans le système capitaliste au contraire, de par sa nature, la libre initiative économique du capitaliste implique, pour pouvoir s'épanouir, que plusieurs individus ne puissent le faire et qu'ils se présentent à lui pour lui vendre leur force de travail. La liberté du riche d'être oisif implique que les autres doivent travailler pour lui. Le capitaliste n'est libre de licencier et d'embaucher que si l'ouvrier est esclave du besoin.
Référence : K. Marx‑F. Engels, Manifeste du Parti communiste (1848), chap. II, dans Œuvres complètes, vol. 6.
13. Un patrimoine, quelle que soit sa nature, est productif s'il donne ou peut donner un revenu correspondant à celui que procure un patrimoine financier de la même valeur. Cela exclut de nos considérations, par exemple, la maison “ d'une valeur inestimable ” que possède un individu par héritage, à un endroit donné, mais qui est pour lui un bien de consommation et non un patrimoine productif. Dans notre analyse, le patrimoine est important parce qu'il indique les personnes qui vivent ou qui peuvent “ bien vivre ” même sans travailler, qui peuvent vivre du travail des autres, qui sont donc effectivement libres de décider quoi faire dans leur vie et ne sont pas obligées de vendre leur force de travail pour vivre.
L'on considère en gros qu'un individu qui a un revenu annuel net de 50.000 €, quelle qu'en soit la provenance (donc même si à l'origine il y avait une prestation personnelle, comme, par exemple, dans le cas d'un footballeur, d'un professionnel, etc.), peut en quelques années accumuler un patrimoine qui lui permettra de ne plus avoir cette activité ou une autre “ pour bien vivre ”. D'autre part, un individu qui perçoit un revenu annuel net de 50.000 € a des relations sociales qui lui permettent d'accumuler un patrimoine mobilier ou immobilier qui le fait entrer rapidement dans la bourgeoisie impérialiste.
14. Dans les autres membres des familles, on inclut les mineurs (environ 15 % de la population a moins de seize ans), les étudiants, ceux qui vivent sous le même toit sans recevoir un revenu personnel pour le travail qu'ils accomplissent (par exemple, les femmes à la maison) ou qui n'en font aucun : en Italie, selon des sources officielles, au moins 3 millions de personnes, en plus des chômeurs officiellement recensés, voudraient travailler. Les retraités sont classés en fonction de la classe à laquelle ils appartenaient quand ils travaillaient.